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Errance de diagnostique – Aerin, 27 ans

19 septembre 2020 - Témoignages

TW : validisme, errance de diag

Pour commencer, je suis handi et malade chronique, non-binaire et j’ai 27 ans. Et mes handicaps sont dits invisibles.
Ah la bonne excuse pour ne pas du tout en tenir compte ! Une autre bonne excuse c’est que pour la plupart de mes problèmes, je n’ai pas encore de diagnostic, juste des tonnes de rendez-vous pour essayer de comprendre ce qui ne va pas.

La minimisation de mes symptômes et les jugements, c’est malheureusement quelque chose de très courant. Je parlerai de la transphobie en plus dans un autre témoignage.


Au quotidien, j’ai mal : au ventre, à plein d’articulations, je suis fatiguæ, j’ai peu de force, des vertiges au lever et des difficultés à me concentrer. On me dit que je suis chochotte, qu’il faut dormir la nuit, on m’invente une vie sexuelle. Ce climat est anxiogène et je m’empêche d’utiliser notamment mes attelles souples et mes aides à la mobilité au travail à cause de ça.

Au total, on suspecte un syndrome d’Ehlers-Danlos, un trouble du spectre autistique et des troubles de déglutition liés à un défaut de motricité de l’œsophage. On m’a récemment diagnostiqué une endométriose et une conduction de l’hémophilie.

Concernant mes soignant.e.s, c’est la loterie.

– Mon ancien généraliste avait refusé de lire le papier que j’avais rédigé avec les symptômes me faisant évoquer un syndrome d’Ehlers-Danlos en me disant quelque chose du genre « Ohlala, c’est très rare ça, vous vous faites des idées ». Il ne voulait pas me donner d’antidouleurs non plus.
 
– Ma rhumatologue pense par contre que c’est bien un SED mais me dit qu’il faut juste que je me muscle, que c’est pas handicapant et que je ne dois pas utiliser d’aide à la mobilité.
 
– J’ai vu deux ORL : le premier a été honnête sur le fait qu’il savait pas même s’il minimisait parfois un peu le problème. La 2e est une perle qui m’a toujours tout expliqué, avec qui les examens même très désagréables se sont toujours plutôt bien passés.
 
– J’ai vu un cardiologue une seule fois mais ça s’est très bien passé
 
– Le chirurgien gynéco qui m’a diagnostiqué mon endométriose est génial. Il écoute et fait attention et c’est le premier qui m’a pris·e au sérieux en 14 ans de règles atrocement douloureuses et 9 ans de
rapports douloureux.
 
– J’ai vu 2 médecins du travail avec qui ça s’est globalement bien passé.

– J’ai vu une gastro qui s’est plutôt bien comporté
 
– Un psychiatre qui s’est littéralement foutu de ma gueule, m’a fait perdre 6 mois avant de me dire que je pouvais pas être autiste parce que
je le regardais dans les yeux…

Et à chaque rendez-vous avec un·e nouvæl soignant·e, je croise les doigts et j’attends de voir si on va essayer de m’aider ou si on va me traiter de menteuse et se moquer de moi

À côté de ça, j’ai ma nouvelle médecin traitant qui est un amour !
Elle m’écoute, elle me prend au sérieux, elle minimise jamais mes symptômes et une chose géniale qui fait que je suis bien avec elle :
elle sait que je suis non-binaire et elle utilise mon prénom choisi. C’est la seule à savoir parce que : bah on me suspecte des maladies assez rares ou très mal prises en charge quand c’est pas les deux.

J’ai pas un grand choix de soignant·e·s parce qu’en trouver qui ne vont pas juste faire tout ce qu’il ne faut pas c’est déjà pas évident. On me regarde déjà assez facilement de travers parce que « Oulala, ça fait beaucoup non ? C’est bizarre ! ».

Alors que non, y a pas mal de mes pathologies (officielles et suspectées) qui vont assez souvent ensemble.
Par exemple, il y a pas mal de personnes autistes qui présentent une maladie du collagène. Et les personnes avec un SED ont plus souvent de
l’endométriose.
Malgré le fait que certaines de mes pathologies soient connues et aient des critères diagnostics clairement définis, l’errance médicale dure depuis 14 ans pour la plupart de mes douleurs.

Au delà de ça, ma mère m’a appris qu’elle avait consulté pour certains de ces problèmes bien avant, durant mon enfance mais qu’on lui avait rit au nez en mettant ça sur ma croissance.

Donc déjà, j’essaie de me soigner. Et ça prend du temps, beaucoup de temps mais aussi beaucoup d’énergie.
J’ai compté que j’avais eu quelque chose comme 43 rendez-vous médicaux en 30 semaines (oui, malgré le confinement qui a reporté plein de rdv). Hors je suis interne en médecine et mes maîtres de stage aiment pas vraiment beaucoup les absences (même justifiées hein osef). Donc en plus d’essayer de vivre avec mes problèmes, de suivre mes cours à la fac, d’essayer d’avancer ma thèse, de faire mes écrits obligatoires, je me retrouve à devoir également accepter qu’on me fasse rester plus tard ou revenir sur des jours de repos pour compenser mes absences.

C’est ça aussi le validisme du monde du travail et en l’occurrence, du milieu médical. Parce que personne ne pense que tu peux être médecin et handi.

À côté de ça, je suis en couple avec une personne merveilleuse qui a une mucoviscidose, diagnostiquée à la naissance. On est nos aidant·es
mutuel·les et me concernant il y a une conséquence direct sur mon emploi du temps : je l’accompagne à tous ses rdv. Parce qu’elle le souhaite, pour ne rien oublier mais également parce que c’est une femme trans et que j’arrive plus facilement à reprendre les gens et réagir.

Ce qui me choque dans mon quotidien en tant qu’aidant·e et pour le coup, en tant qu’aidant·e n’ayant pas l’air handi aux yeux des gens, les gens
ont des réflexions extrêmement dérangeantes sur notre relation : on me dit que j’ai tellement de courage, que ça doit être tellement dur, qu’on
pourrait pas… Ça me frappe à chaque fois comment on la considère : comme un objet de soin, de charité, un petit animal dont je dois m’occuper… C’est assez déshumanisant et avec la transidentité, je trouve qu’elle a largement son lot de déshumanisation, d’être vue à travers une seule caractéristique en oubliant qu’il y a toute une personne autour.

J’ai encore du mal avec ces réflexions et je ne trouve que très rarement des réparties qui me viennent spontanément.
Avec la particularité du fait qu’elle est également mon aidante, je me vois pas comme courageuxe ou quoi que ce soit. J’aime ma compagne et comme je l’aime, j’essaie de contribuer à son bonheur et à sa bonne santé (relative). Et elle fait pareil.

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