La plupart d’entre nous, les handis, NAPA, avons dû remplir ce fameux dossier MDPH pour demander des aides, que ça soit l’AAH, la RQTH, des aides matérielles, humaines et/ou financières.
Et toutes les personnes qui ont eu à remplir ce dossier sont passés par le très difficile projet de vie à rédiger. Ouch.
Le projet de vie, c’est quoi ?
Il s’agit d’écrire pourquoi on demande des aides. Pourquoi on ne peut pas travailler du tout ou sans aménagements. En quoi notre quotidien est bousculé par nos handicaps, maladies, neurodivergences.
Un ami m’a fait remarquer que le projet de vie, c’est « un entretien d’embauche inversé » et jusqu’à maintenant, je n’ai rien trouvé de mieux pour résumer cela. Merci copain, tu assures.
Prenez un entretien d’embauche. On sait qu’il faut mettre en valeur nos qualités et nos défauts, expliquer en quoi on serait un atout dans telle entreprise plutôt qu’une autre.
Le projet de vie c’est totalement l’inverse parce qu’on doit expliquer comment on essaie de survivre en milieu personnel et professionnel.
On doit mettre en avant ce qu’on ne peut pas faire, à quel point nos handicaps rendent nos quotidiens difficiles. (Bon, quand on est concerné-e, on sait bien que c’est le manque d’accessibilité qui nous bloque le plus mais ça fera surement l’objet d’un article une autre fois)
Comment rédiger un projet de vie ?
Se doit-il d’être long ? Court ? Résumé ou détaillé ? Que devons-nous y écrire ?
5 brouillons plus tard et une tête qui explose, on abandonne avec de brèves lignes qui résument plus ou moins la situation.
Ne vous le reprochez pas ! Ce n’est carrément pas votre faute. Déjà « projet de vie », c’est mal titré pour une question qui se veut aussi précise. Mais dites-vous bien que partout, chez vous, à l’école, au travail, avec les proches, vous allez compenser naturellement vos besoins manquant pour « ne pas que ça se voit » ou vous faciliter l’existence. Au fil du temps vous remarquez moins toute l’énergie que vous mettez à compenser un manque. Ce manque que vous demandez via le dossier MDPH. « Oui je suis fatigué un peu, bon une sieste et ça va » okay mais fatigué comment ? Physiquement, mentalement ? La sieste dure 15 min après le repas ou plutôt 2h après une douche ? Combien de siestes par jour ? etc.
Ne minimisez pas vos symptômes !
Oui oui, on va parler symptômes parce que c’est souvent la base des handicaps et maladies, c’est ce qui fait que vous avez besoin d’aménagements ou de certaines aides.
Dans un premier temps, faites une liste de vos symptômes.
Si je prends par exemple mon autisme, je vais en lister quelques uns, pour vous montrer :
– Hypersensibilités (tactiles, auditives, visuelles)
– Hyposensibilités (douleurs, soif, sommeil)
– Fatigue
– Anxiété
– Difficulté de concentration
Maintenant, on en fait quoi ? On va en détailler un pour voir
Hypersensibilités : Lors de mes sorties, je porte un casque anti-bruit et des lunettes de soleil, et je dois les garder dans les magasins trop bruyants, trop lumineux et quand il y a beaucoup de monde. Il m’arrive parfois d’oublier mon casque et/ou mes lunettes de soleil, et quand c’est le cas, j’en pleure à cause des sur-stimulations sensorielles. De retour chez moi, je dois me reposer et m’isoler de toutes sources bruyantes et lumineuses, mais cela n’empêche pas l’arrivée de maux de tête, difficile à faire passer et d’une fatigue persistante. Avec mes 2 accessoires je me remets d’une sortie en seulement 3 jours, sans ceux-ci je mets plus d’une semaine.
Dans le cadre d’un emploi, j’aurais besoin d’aménagements bien trop compliqués et spécifiques à mettre en place, autrement je vais devoir porter un casque anti-bruit et des lunettes de soleil durant toutes mes heures de travail, les rendant difficilement confortable et appréciable par l’entourage professionnel.
Avec juste un point, on peut déjà se retrouver avec un sacré paquet de choses à dire. J’en convient, c’est épuisant, c’est se mettre à nu devant des inconnu-es qui vont vous lire, des soignant-es. Prenez le temps qu’il vous faut pour rédiger, vous rendre compte de vos besoins. « Tiens ! Je me suis servi d’un petit meuble à roulettes pour me déplacer entre le salon et la cuisine, pourquoi j’en ai eu besoin ? En quoi ça m’a aidé ? Pourquoi ce n’est pas assez ? »
Ce n’est pas évident de rédiger quand on ne connaît pas la structure pour détailler un symptôme.
Alors voici une liste de questions pour vous permettre de structurer vos différents symptômes, sachant qu’elles ne serviront peut-être pas toutes pour chacun d’entre eux.
– Quel symptôme ?
– Les déclencheurs du symptôme ?
– Quelles sont les conséquences du symptôme dans votre quotidien ?
– Lors de sorties, activités extérieures ? (courses, hobby, promenade, etc.)
– En quoi ce symptôme a-t-il rendu difficile ou impossible l’accès à un emploi, une formation, des études, si c’est le cas ?)
– Quelles sont les solutions testées, provisoires mises en place pour réduire l’impact du symptôme et améliorer le quotidien ?
– En quoi les solutions ont-elles fonctionné ? Échoué ?
Si plusieurs symptômes ont plusieurs origines, précisez-le. Par exemple, je suis souvent fatigué car j’ai un SED, une dépression, et de l’anxiété. Donc, dans l’explication de la fatigue, je détaille tout en expliquant que si au niveau du SED j’ai un moment de répit, je peux très bien être fatigué à cause des états dépressifs ou de l’anxiété (ou de sociabilisation forcée, liée à l’autisme)
Une fois cette partie terminée, il en reste une seconde, c’est une sorte de conclusion générale, qui peut se structurer en 2 sous-parties
1) Ma situation scolaire et vie professionnelle
2) Mes besoins et demandes
Dans la première sous-partie, vous expliquez votre situation professionnelle ou scolaire. Vous avez arrêté vos études (ou votre emploi) ? Lesquelles, quand et pourquoi ?
Vous aviez un hobby que vous avez arrêté ? Lequel, quand et pourquoi ?
Si c’est toujours d’actualité, que vous continuez vos études, votre emploi et/ou votre hobby, rédigez tout ça, et quelles sont vos difficultés, si vous ratez des cours, des jours de travail ou des séance de votre hobby, expliquez pourquoi ! Fatigue, douleurs, rdv médicaux, etc.
Dans la seconde sous-parties, c’est écrit dans le titre « mes besoins et demandes », vous expliquez pourquoi vous demandez l’AAH (ou son renouvellement)?
– Pourquoi avez-vous besoin de la carte de stationnement ? de priorités ? Si vous demandez le renouvellement, en quoi vous ont-elles aidé ?
– Vous demandez de l’aide au financement d’une aide à la mobilité (fauteuil, rollator, cannes… ? D’un dispositif médical coûteux (couverture lestée, concentrateur à oxygène, …) ? Expliquez pourquoi vous avez besoin de ce dispositif, de cette aide à la mobilité, en quoi elle va améliorer votre quotidien.
Même si c’est « logique », expliquez quand même. C’est bête d’expliquer à des soignant-es pourquoi on a besoin d’un fauteuil alors qu’on ne peut pas marcher, mais faites le. L’administratif, c’est absurde, alors soyons absurde nous aussi.
– Vous demandez une aide humaine, expliquez en quoi un-e auxiliaire de vie ou aide à domicile pourrait vous aider.
Vous justifiez chaque demande, vous avez des comptes à rendre à la MDPH, et elle a plutôt intérêt à ressentir vos besoins. Même si vous n’avez « pas grand chose à demander », vous le méritez, point.
Je pense avoir fait le tour du sujet, j’espère en tout cas que ça vous aidera et que ça facilitera cette partie du dossier tant redoutée.
Si vous avez des questions, des précisions à apporter, n’hésitez pas à me contacter sur mon Twitter ou par mail !
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